L’article D. 43 du Code de l’eau de la Région wallonne impose aux riverains propriétaires de terrains situés à la limite d’un cours d’eau de laisser un passage de 6 mètres à compter de la berge afin de permettre au gestionnaire d’un cours d’eau de le nettoyer en procédant à un curage.
Il s’agit donc d’une servitude à charge des riverains qui ne peuvent pas planter de plantation ni ériger de clôture ou de chalet de jardin avant cette limite de six mètres.
Le gestionnaire d’un cours d’eau est autorisé à passer avec ses machines et outils et peut déposer les matières qu’il enlèvera du lit du cours d’eau sur cette bande de six mètres.
Cet article D. 43 dispose que :
“§ 1er. Les riverains, les usagers et les propriétaires d’ouvrages sur les cours d’eau non navigables :
1° livrent passage aux agents de l’administration, aux ouvriers, aux engins nécessaires pour l’exécution des travaux et aux autres personnes chargées de l’exécution de travaux ou d’études;
2° laissent déposer sur leurs propriétés, sur une bande de six mètres, à compter de la crête de berge, les matières enlevées du lit du cours d’eau, ainsi que les matériaux, l’outillage et les engins nécessaires pour l’exécution des travaux.
Les matières enlevées du lit du cours d’eau sont gérées conformément aux dispositions du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets et de ses arrêtés d’application.
§ 2. Aucune indemnité n’est due aux riverains, aux usagers et aux propriétaires d’ouvrages en raison du dépôt des matières provenant des travaux d’entretien et de curage, sur leurs propriétés, sur une bande de six mètres, à compter de la crête de berge.
§ 3. Les riverains, usagers et les propriétaires d’ouvrages ont droit à un dédommagement pour le préjudice qu’ils subissent à l’occasion de l’exécution de travaux autres que ceux d’entretien et de petite réparation sauf si ces travaux ont d’une quelconque manière été rendus nécessaires par les riverains, usagers ou les propriétaires ou s’ils sont réalisés pour leur compte. Ce dédommagement est compris dans les frais des travaux.
§ 4. Le Gouvernement fixe les règles de police et de gestion applicables aux cours d’eau non navigables en ce qui concerne les autorisations requises pour les plantations et pour la construction de bâtiments le long de ces cours d’eau.”
A la lecture de cet article, un gestionnaire de cours d’eau a estimé qu’il était en droit d’abandonner les boues de curage sur les propriétés des riverains.
Des riverains ont été particulièrement surpris lorsqu’ils ont constaté que le gestionnaire avait abandonné les boues de curage sur leur terrain et ce sur une bande de six mètres.
Ils ne comprenaient pas comment il pouvait être autorisé d’abandonner sur leur terrain des boues issues d’un ruisseau fortement pollué dans la mesure où ce dernier recueille les eaux usées de l’ensemble d’un village sans traitement préalable.
Le gestionnaire du cours d’eau a tenté d’expliquer son geste en se fondant sur l’article D. 43, §1er, 2° du Code de l’eau qui prévoit que les riverains ne peuvent s’opposer au dépôt sur leurs propriétés des matières enlevées du cours d’eau sur une bande de six mètres.
Les riverains estimaient, quant à eux, que les boues de curage étaient des déchets et devaient, par conséquent, être évacués. Ils se fondaient notamment sur les travaux préparatoires ayant donné lieu à l’adoption de l’article D. 43 du Code de l’eau.
Les riverains ont obtenu gain de cause devant le Juge de Paix de Wavre et le Tribunal de première instance du Brabant wallon.
Le gestionnaire a, par conséquent, décidé d’introduire un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 27 mars 2025, la Cour de cassation a tranché la question :
” Si l’autorité administrative chargée du curage d’un cours d’eau peut, à cette occasion, déposer provisoirement sur les propriétaires riveraines les matières issues du curage, le seul cas où elle ne doit pas ensuite les enlever est celui où des sables, pierres ou boues de catégorie A sont utilisés pour des travaux d’aménagement du lit ou des berges du cours d’eau.”
En somme, le dépôt des boues est autorisé sur la bande de six mètres afin de faciliter les travaux de curage. Toutefois, il est interdit d’abandonner les boues et il faut les évacuer !